Député européen Canfin :
MaisonMaison > Nouvelles > Député européen Canfin : "L'Europe doit mettre en place des politiques pour protéger, promouvoir les industries vertes"

Député européen Canfin : "L'Europe doit mettre en place des politiques pour protéger, promouvoir les industries vertes"

May 24, 2023

Par Frédéric Simon | EURACTIV.com

07-12-2022

"La bataille pour la localisation des chaînes d'approvisionnement industrielles zéro carbone est en cours", déclare Pascal Canfin, président de la commission de l'environnement du Parlement européen. [© Union européenne 2022 - Source : PE]

Languages: Français | Deutsch

Imprimer E-mail Facebook Twitter LinkedIn WhatsApp Telegram

Avec sa prochaine directive sur les batteries et sa taxe carbone aux frontières, l'UE a l'opportunité de jeter les bases de la future politique industrielle verte de l'Europe et de répondre à l'Inflation Reduction Act (IRA) américain, déclare Pascal Canfin.

Pascal Canfin est député européen français du groupe centriste Renew Europe au Parlement européen, où il préside la commission environnement de l'assemblée (ENVI). Il s'est entretenu avec le rédacteur énergie et environnement d'EURACTIV, Frédéric Simon.

L'UE est sur le point de conclure les négociations sur sa directive sur les piles. Quels sont les points clés de cette directive, et comment peut-elle répondre à l'Inflation Reduction Act américain ?

La directive batteries est un élément important de la séquence industrielle dans laquelle se trouve l'Europe : la bataille pour la localisation des filières industrielles zéro carbone est engagée.

Et cette compétition internationale est très positive car c'est la condition pour nous de gagner la bataille du climat. C'est donc une bonne chose que cela se produise. Et dans cet espace, bien sûr, il y a la concurrence – avec les Chinois et les Américains en particulier.

Pour l'Europe, disposer d'une réglementation sur les batteries, qui est un objet industriel clé pour la transition verte - pour les voitures, mais aussi les vélos et le stockage de l'électricité - est un élément essentiel de notre souveraineté industrielle tout en faisant avancer notre transition écologique.

Ce texte permettra-t-il de localiser une partie de la production en Europe ?

Oui. En fait, sur les batteries, on joue à la fois sur l'aspect réglementaire et sur l'aspect financier.

Sur le plan réglementaire, en augmentant la performance environnementale des batteries – en renforçant les exigences de circularité, de recyclabilité et de recyclage – ce qui signifie que nous captons plus de valeur ajoutée en Europe. Car si le potentiel de l'Europe est limité sur l'aspect minier, sur l'aspect circularité et réutilisation, la valeur ajoutée peut être très largement localisée ici.

C'est le premier élément de la localisation de la chaîne de valeur. Le deuxième élément est l'Alliance européenne des batteries, qui est selon moi un excellent exemple de réussite industrielle au niveau européen.

A l'heure où se pose la question de la politique industrielle de l'Europe face à l'IRA américain, je pense que la Battery Alliance est le modèle à suivre et à dupliquer pour d'autres technologies - par exemple, la nouvelle génération de panneaux solaires d'électrolyseurs ou l'hydrogène décarboné.

Ce texte sur les batteries est donc un élément de la stratégie industrielle verte de l'Europe.

Sur la taxe carbone aux frontières, les négociateurs visent également à parvenir à un accord dans les prochaines semaines. Quels sont les principaux sujets qui restent à traiter ?

Le trilogue décisif aura lieu lundi 12 décembre. Et je pense que nous avons de bonnes chances d'atterrir.

C'est une première mondiale; l'Union européenne sera la première zone commerciale au monde à mettre un prix du carbone sur ses importations – le même que celui en vigueur sur notre marché intérieur, afin d'être compatible avec l'OMC.

Ce texte va inévitablement générer des changements de comportement hors d'Europe, ce qui est l'objectif : nous voulons utiliser la puissance du marché unique européen pour établir une politique commerciale verte et mettre des politiques de concurrence internationale en phase avec le défi climatique.

Existe-t-il un accord sur les secteurs qui seront couverts par ce nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) ?

Le cœur de la discussion de lundi prochain est de décider si le champ d'application défini par la Commission européenne dans sa proposition initiale peut être étendu – sachant que le Parlement souhaite une CBAM plus large.

Par plus large, voulez-vous dire étendu à d'autres secteurs ?

Oui, en intégrant de l'hydrogène, certains polymères et d'autres produits transformés.

Selon moi, il y a un chiffre important à retenir : dans la proposition initiale de la Commission, la CBAM couvre des secteurs qui représentent 55 % des émissions industrielles de l'Europe. Et dans le trilogue, nous discutons de l'augmentation à 60 voire 65 %. Ainsi, même si le nombre de secteurs couverts par la CBAM est limité, l'impact en termes d'émissions de CO2 est significatif.

La deuxième question est de déterminer dans quelle mesure la CBAM couvrira les produits transformés. C'est un point important pour le Parlement européen : nous pensons qu'un calendrier clair doit être fixé pour les produits transformés afin qu'ils soient couverts par la CBAM.

Il est évident que nous ne pouvons pas décider la semaine prochaine d'une liste exhaustive de produits transformés car cela nécessite beaucoup d'analyses techniques de la part de la Commission européenne. Mais le calendrier doit être clair.

De quels types de produits parle-t-on ?

Prenons un exemple : si un constructeur automobile importe de l'acier en Europe depuis la Turquie, il paiera la CBAM. Mais si le même constructeur importe en Europe une voiture fabriquée au Maroc avec de l'acier turc, il ne la paiera pas. C'est un problème qui doit être résolu.

La question est donc d'éviter les délocalisations d'entreprises par le biais de produits transformés ?

Exactement. Or, il est évident que la localisation des sites de production ne dépend pas uniquement du prix du carbone sur une seule matière première, en l'occurrence l'acier pour voitures.

Il est donc d'abord nécessaire de déterminer précisément quel est le risque réel, quelle quantité du produit transformé contient des matériaux couverts par CBAM - tels que l'aluminium, l'acier ou le ciment. Et une fois cela déterminé, nous pouvons estimer la part du produit transformé que CBAM devrait couvrir.

C'est l'une des grandes questions qui restent à régler au cours du trilogue. Et c'est une priorité pour le Parlement, précisément pour éviter le scénario de délocalisation dont je parlais.

Quels autres sujets restent à traiter dans le règlement CBAM ?

Il y en a deux qui sont liés à la réforme du marché européen du carbone : premièrement, comment abordons-nous les exportations ? Et deuxièmement, qu'en est-il des quotas qui sont actuellement distribués gratuitement à l'industrie dans le cadre du système européen d'échange de quotas d'émission (ETS) ?

Le CBAM a été conçu pour neutraliser le problème des émissions de CO2 provenant des importations. En revanche, si on enlève des quotas gratuits aux industriels, alors leurs exportations seront potentiellement pénalisées du fait du surcoût lié à l'ETS.

Il y a deux réactions possibles à cela. La première serait d'offrir des subventions à l'exportation aux industries couvertes par la CBAM. Mais cette option a été écartée par la Commission européenne, qui considère qu'elle violerait les règles de l'OMC, ce qui est très probablement vrai. C'est une solution qui pourrait fonctionner, mais qui mettrait en péril l'existence même de CBAM.

L'autre option, qui relève du mandat du Parlement européen, serait d'octroyer des allocations gratuites réservées à la part des exportations couvertes par les investissements décarbonés.

Par exemple, les industriels pourraient recevoir des quotas gratuits pour leur production d'acier ou de ciment zéro carbone afin de compenser les surcoûts liés à ces technologies vertes, qui nécessitent des investissements importants. Et là, il me semble tout à fait légitime d'avoir un système de compensation.

Ce système de compensation, lié aux investissements verts, me semble conforme à l'article 20 du GATT, et donc compatible avec l'OMC. Je pense qu'il faut explorer pleinement cette piste. Car nous sommes aujourd'hui face à une Commission européenne bloquée idéologiquement sur ce sujet.

L'objectif est d'éviter les délocalisations dans trois ou quatre ans, ce qui serait très dommageable pour nos politiques climatiques et notre politique industrielle verte.

Ces subventions à l'exportation prendraient donc la forme de quotas ETS gratuits ?

Ce que le Parlement demande, c'est quelque chose pour les exportations. Et cela n'est actuellement pas inclus dans la proposition de la Commission ni dans le mandat du Conseil.

Face à la concurrence internationale dans laquelle nous nous trouvons, notamment avec l'IRA américain, l'Europe doit mettre en place des politiques de protection et de promotion de ses industries vertes.

[Édité par Alice Taylor]

Languages: Français | Deutsch

Imprimer E-mail Facebook Twitter LinkedIn WhatsApp Telegram

L'UE est sur le point de conclure les négociations sur sa directive sur les piles. Quels sont les points clés de cette directive, et comment peut-elle répondre à l'Inflation Reduction Act américain ? Ce texte permettra-t-il de localiser une partie de la production en Europe ? Sur la taxe carbone aux frontières, les négociateurs visent également à parvenir à un accord dans les prochaines semaines. Quels sont les principaux sujets qui restent à traiter ? Existe-t-il un accord sur les secteurs qui seront couverts par ce nouveau mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) ? Par plus large, voulez-vous dire étendu à d'autres secteurs ? De quels types de produits parle-t-on ? La question est donc d'éviter les délocalisations d'entreprises par le biais de produits transformés ? Quels autres sujets restent à traiter dans le règlement CBAM ? Ces subventions à l'exportation prendraient donc la forme de quotas ETS gratuits ?